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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 19:27

progression dans un ouedcol de chréa 1956 dans le froidG17

 

 

 

           Combat dans les Gorges de la Chiffa

 

 

L'anéantissement du commando de la mort

dans le ruisseau des singes.

 

 

 

      15 avril 1957.

 

     Je me réveille transi de froid dans ce Djebel de l'Atlas Blidéen . Il est 6 heures du matin, le plafond est bas, un temps gris-blanc dans une atmosphère humide retrouve regroupé l'Escadron au complet dans un décor de montagne en hiver. A 1200 mètres d'altitude nous venons de passer une nuit pénible.

 

     Les rations reçues avant hier sont épuisées, il ne reste plus grand chose à se mettre sous la dent, les paras émergent de leur toile de tente individuelle doublée de nylon, ils se sont glissés dans le sac de couchage, deux par deux sous la toile serrés l'un contre l'autre, cherchant un peu de chaleur humaine dans leur tenue camouflée mouillée, malgré la veste molletonnée le froid leur glace les pieds et les mains, le visage violacé entouré d'un chèche passant par dessus la casquette pour cacher les oreilles et serré autour du cou, ils attendent le ventre creux l'ordre du départ, après avoir plié bagage.

 

     Certains grignotent un reste de pain, une pâte de fruit ou le contenu d'un sachet de sirop en poudre qu'ils sucent, c'est acide mais cela donne l'impression d'avoir quelque chose dans le ventre. Les camions de ravitaillement sont bloqués à quelques kilomètres de là en bas dans la montée du col et nous décrochons pour tenter de rejoindre le convoi bloqué, envasé dans un bourbier de piste rendue inutilisable par les trombes d'eau qui se sont abbatues dans la région.

 

    Le vent glacial souffle en rafale et nous gèle les os. Nous entreprenons la descente afin de prendre contact avec les GMC immobilisés plus bas.

La piste au fur et à mesure se transforme en une mélasse de neige de glace et de boue. Nous sommes à 800 mètres d'altitude la marche et pénible dans la descente de la piste mais nous savons que le ravitaillement nous attend, nous trouvons assez de ressource et d'énergie pour avancer.

 

      Un mot d'ordre est passé dans la colonne: pas de camions au rendez-vous ? Ils n'ont pas pu passer !. C'est la consternation générale. Bientôt nous apercevons 4 jeeps qui réussissent à grimper sur la piste impraticable par endroits, les véhicules chargés de caisses, apportent la nourriture pour les compagnies restant sur le terrain.

 

     Nous continuons notre descente qui devient moins périlleuse, le vent s'est calmé et la température devient plus clémente ce qui ne rend pas moins pénible notre descente, les camions nous attendent à l'entrée des Gorges de la Chiffa(1), nous sommes suivis par la 2e compagnie du capitaine Planet qui embarque comme nous dans les GMC mais ce ne sont pas les bahuts du ravitaillement, ceux là nous transportent pour fermer les talwegs aboutissants dans les gorges.

 

     L'affaire est sérieuse, les camions foncent pendant une trentaine de kilomètres sur cette route qui traverse les gorges un oued impétueux coule dans les fonds.

Plus question de manger. Nos deux compagnies descendent sans les sacs pour courir plus vite. Les chefs de pelotons sont fébriles, les pelotons s'infiltrent par les hauteurs au pas de course, il est 17 heures, nous bouclons un immense talweg, tout de suite je m'aperçois du sérieux de l'affaire les fells sont dans la nasse. La voltige avance avec prudence, l'engagement est brutal, une fusillade devant moi stoppe les équipes de voltigeurs.

 

    Les rebelles sont pris au piège, ceux que nous avons cherchés durant plusieurs jours sont accrochés depuis 6 heures, ce matin par quatre compagnies du 6e RAC, deux morts et plusieurs blessés dans leurs rangs dans cet engagement sérieux et meurtrier.

Nous prenons l'opération à notre compte, l'encerclement du ravin couvert du forte végétation et en cours. Véritable jungle dans cet immense talweg qui n'a plus rien à voir avec l'enfer que nous avons vécu durant deux jours. Il fait presque chaud dans ce fond d'oued, des arbres, lauriers rose, lentisque parmi les rochers recouvrent tous les fonds où coule une eau vive descendant de la montagne.

 

     J'apprends que des Officiers Supérieurs observent le déroulement des combats qui se déroulent sous leurs yeux depuis les hauteurs(2).

 

     Notre progression est stoppée, un tir de barrage effectué par la compagnie d'appui du capitaine Chabanne ce fait entendre, toutes les pièces sont de la partie,: les canons de 75 sans recul, les mortiers de 81 et de 60 donnent de la voix. Que de grondements et d'explosions juste devant nous, plaqués au sol nous attendons la fin du tir de barrage, les lance-grenades balancent leurs charges creuses dans la végétation pour faire du volume.

 

     Un obus de 60 tombe à 20 mètres de ma position, nous rentrons la tête dans le sol, ils sont fous de tirer si près. Ce tir nous a était bénéfique, une infiltration des fells sur notre position avait été détecté par la CA qui nous a balancé ce pelo pour stopper les rebelles. L'assaut se déclenche dans un feu nourri, la voltige grenade et rafale en avançant, imperturbable les chefs de groupes et de pelotons montrent l'exemple; la végétation dissimule les rebelles, les MAT 49,(3) Mas 36,(4) MAS 51 (5)sont de la partie, couvert part les FM 24/29 (6) qui malgré leur vieillesse font merveilles.

 

    Les rebelles bien armés se dévoilent, ils sont par petits groupes bien embusqués dans les rochers les tirs de mortiers n'ont pas affecté leur ardeur au combat; l'assaut est stoppé, un tir de mortier par la CA est demandé à la radio, le matraquage recommence pendant plusieurs minutes, et c'est l'assaut de la 2e compagnie en gueulant, ils en ont les gars, chapeau la 2e.

Par bonds les paras lancent des grenades, explosion et rafalent en avançant d'un bond et celà recommence. Je suis un peu en surplomb du combat qui se déroule sous mes yeux.

 

     Mon groupe voltige avec le sergent Robitaille descend pas très loin des fells qui tirent dans notre direction, on lui passe nos grenades qu'il lance en contre-bas. Victor Angot fait du tir tendu avec son LG(7) passé tireur au FM j'envois des rafales dans la végétation qui trésaille sous les impacts de projectiles. Des renfoncements et des cavités font de bonne protection aux rebelles, je les fixe par des tirs les empêchant de remonter par les pentes du ravin.

 

    Soudain Derviaud de l'autre équipe est touché à la poitrine il s'écroule à 30 mètres de moi, les fells sortent de leurs abris et montent à l'assaut, ils essaient de passer à travers le barrage de feu, à son tour le sergent Robitaille s'écroule une balle dans le ventre une autre dans le bras, les rebelles montent en criant, la situation devient critique, Huart le tireur FM du 2e peloton à la cuisse déchiquetée par une chevrotine, les gars les remontent sous les balles qui sifflent aux oreilles.

 

     J'entends les gars hurler des ordres où lancer des appels de reconnaissance pour ne pas s'entretuer dans ce combat en aveugle. Le combat sauvage fait rage, les gars de la 2e compagnie en arrive parfois au corps à corps, c'est un immense champ de bataille où tout le monde s'entretue, je ne sais plus ou tirer, les fells qui montaient à l'assaut de notre position sont morts ou blessés, le rouleau compresseur des sections d'assaut est impressionnant, les fells sont battus par la furia des lézards verts (8).

     La bataille diminue en intensité et se dissipe dans les fonds de l'oued, les combattants du FLN (9) sont éliminés inexorablement dans l'avancée des section au combat. Nous sommes avec le s/lieutenant Michel notre chef de peloton, un rebelle qui doit avoir la baraqua(10) s'enfuit en sautant de roche en roche dépassant du cours d'eau sous un feu intense, je vois les impacts l'encadrer sans le toucher les éclats de pierres sautent tout autour de lui sans l'atteindre, il en réchappera. L'eau de l'oued est rouge de sang, le 1er et 2e peloton ont fait un travail remarquable. J'ai vidé 3 boites chargeurs, je suis maintenant dans le fond de l'oued des coups de feu résonnent encore de loin en loin, des corps en bouillie partout, déchiquetés par les tirs d'artillerie. Nous remontons les armes trouvées, il y a de tout: fusils de chasse, Mauser, thomson, PM, MAS 36, 303 anglais, 1 FM 24/29, jumelles, documents.

Un combattant FLN sérieusement blessé aux bras et épuisé par le combat se rend, se sera le seul . Le bilan de cette bataille est de 43 rebelles tués, chez nous: 1 mort et 4 blessés.

 

    Il est 1 heure du matin quand nous rejoignons les camions, le ravitaillement se trouve au col de Chréa(11), nous y sommes à 2 h30 à 1500 mètres d'altitude, je suis de mauvaise humeur car je n'ai rien dans le ventre depuis ce matin, heureusement qu'un repas chaud nous attend demandé par Bruno cela nous met du baume à l'âme, je ne sais quel service à préparé le repas mais il est excellent et bienvenue, nous oublions vite nos fatigues, le repas terminé nous repartons en GMC pour un trajet de 5 kilomètres ou nous sommes hébergés dans une colonie de vacances, de la paille nous est fournie pour mettre sur le sol carrelé, dehors 15 centimètres de neige recouvre le paysage.

 

    Nous avons des têtes méconnaissables par la boue et la transpiration, notre premier boulot sera de décrasser nos carcasses, ou tout au moins d'enlever le plus gros de la saleté nous recouvrant le corps, on verra après un bon sommeil un lavage plus minutieux de notre personne.

 

 

                                      armement pris à l'ennemi-0-0-0-0-0-0-0-0-0-0-

 

  1. Gorges de la Chiffa: très connu pour sa vallée des singes magots descendant des parois rocheuses pour venir chercher leur nourriture, assis sur le parapet du pont.

  2. Officiers Superieurs: Généraux de la 10e Division Parachutistes

  3. MAT 49: pistolet mitrailleur de la voltigeur

  4. MAS 36: fusil à crosse alu repliable

  5. MAS 51: fusil semi-automatique

  6. FM 24/29: fusil mitrailleur modèl 1924 modifié 1929

  7. LG :fusil avec embout lance-grenade

  8. lézard vert: surnom donné aux paras par les combattants du FLN

  9. FLN : combattant Algérien du Front National de Libération

  10. baraqua: la chance en arabe

  11. col de Chréa : station de ski et de colonie de vacance.

  1.  

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